2 novembre 2009 1 02 /11 /novembre /2009 01:44
Chaque jour me semblait une nouvelle inconnue, une expédition hasardeuse vers un rivage incertain, des éternités à scruter un horizon désespérément vide, une désagrégation lente et irrémissible des non-repères qu'il me restait.
 
Tout ce que je croyais être la vie s'était écroulé, insidieusement les valeurs et le sens commun s'étaient délités, s'étaient fait la malle, subrepticement, un par un sur la pointe des pieds sans se faire remarquer ; le paysage s'était estompé par petites touches sans significations particulières, d'autres zones avaient plutôt choisi de se brouiller, de se mélanger de façon inepte et criarde, jusqu'à ce jour où je me réveillai en chute libre dans un monde inconnu. Toute ma vie, tout mon passé, toutes mes attentes, n'aboutissaient plus nulle part.
Tout était toujours là, pourtant. Des gens, des vies, des bruits, des mots, le monde des autres que j'avais connu et partagé, mais ce n'était plus le mien. Je n'y avais plus ma place.
 
Chaque jour me semblait maintenant une nouvelle inconnue, une expédition hasardeuse vers un rivage incertain, des éternités à scruter un horizon désespérément vide, une désagrégation lente et irrémissible des non-repères qu'il me restait.



 



 
Les discours aboyés à mon adresse, les insinuations ironiques lourdes de sous-entendus, les silences assourdissants d'hostilité étalée, tout signe me renvoyait à une culpabilité dont j'ignorais l'abécédaire ; le châtiment divin s'était-il donc déchaîné lors d'un bref instant d'inattention ? Et pourquoi en étais-je le seul objet ? Pourquoi me retrouvai-je seul, paria de la communauté humaine ; même les animaux me regardaient d'un air dégoûté, et le soleil se cachait dès que je souhaitais bénéficier de sa chaleur bienfaisante.
 
Les mots n'étaient plus les mots. Les mots étaient devenus des armes pour désarçonner l'adversaire, le culbuter dans la boue, l'avilir plus bas que le cancrelat, le scolopendre et la punaise réunis. Les mots étaient des boules de feu lancées à la vitesse de l'éclair, plus incisives que l'acier au carbure de tungstène fritté au cobalt. Les mots n'étaient plus porteurs de culture, de civilisation, de relation. Les mots étaient devenus des outils, utilitaires, classifiés, étiquetés, au service d'une entreprise de marchandisation universelle du vivant.
 
L'âme elle-même ne serait bientôt plus qu'une curiosité au musée des antiquités. Regardez, les enfants, comme les gens étaient naïfs en ce temps-là !


 



 
L'offensive de falsification généralisée du monde se poursuit. Un peu plus de 83 % de la population a été inoculée, les élites comme d'habitude ont été les plus faciles, les secteurs du tertiaire et du commerce n'ont pas opposé non plus de résistance; les fortes concentrations urbaines ouvrent de larges boulevards à la propagation jusqu'ici sans véritable anicroche. Ne quittez pas, tout de suite un message personnel spécialement pour vous.
 
Bien sûr, il n'y avait personne, encore moins munie de la panoplie du parfait secouriste pour schizophrène qui s'ignore. Oh, purée ! et voilà le couloir du métro qui recommence à se prendre pour le boyau d'un brontosaure en mal de colique ; mais nom de d..., ça ne s'arrêtera donc jamais ?
 
Souffler, respirer, ne pas te laisser enfermer, sors d'abord, fuis le troupeau des grandes foules qui vont comme à l'abatoir de la maison au boulot et du boulot à la maison dans une suite infinie de jours qui tous se ressemblent et aucun n'est à marquer sur le calendrier intérieur des jours heureux. Rentre chez toi, dans ce lieu qui te fait office de chez toi ; ce n'est pas un palace, c'est sans importance ; les cloisons sont minces, les voisins font du bruit, ce n'est pas grave, cette nuit ils dormiront. Rentre chez toi, et rentre en toi.



 



 
Et écoute !
 
Ecoute le silence de la mer !
Ecoute le silence de la forêt !
Ecoute le silence des étoiles !
 
Ne lutte plus contre les flots déchaînés, contre le vent acharné, contre le destin aveugle. Laisse-toi aller, laisse-toi couler ; tu vois, déjà les courants faiblissent, les remous disparaissent, l'obscurité s'estompe, la chaleur revient.
Non, ne reprend pas déjà ta route, ce n'est encore qu'une accalmie. Descend encore, laisse-toi descendre encore plus bas, plus bas, toujours plus bas, et trouve enfin le fond. Pose-toi sur le fond.
 
Car il y a un fond. Aussi profonde que soit la mer, aussi agitée qu'elle puisse être en surface, plus tu descend, plus elle est calme, et si tu as la foi, tu en trouveras le fond. Il suffit d'y croire, et tu ne peux pas le manquer. Et quand tu t'y seras posé, alors là, repose-toi. Profites-en, tu n'as rien de plus important à faire que de te reposer et laisser les forces de l'univers te reconstruire.
Et ne t'inquiètes pas du monde, lorsqu'il en aura besoin, et que tu le pourras, il saura bien revenir te chercher. Mais désormais tu sauras l'affronter, car tu es maintenant fondé sur le roc.



 



 
Est-ce, parce que tu ne pourras jamais descendre plus bas, que ce lieu emplit ton âme de paix, ou est-ce, parce qu'il emplit ton âme de paix, que tu sais que tu pourras toujours y revenir ? Tu as trouvé ton île, celle qui peut surgir en toutes circonstances dans le besoin, pour te ressourcer et te restaurer. Tu as trouvé ton port, celui où tu pourras t'armer pour n'importe quelle expédition, et particulièrement l'ultime, celle qui te feras gagner le royaume. Ou plutôt, qui fera le royaume te gagner.
 
Car, qu'est ce nectar, cette ambroisie, qui sourd en toi et t'abreuve jusqu'à l'ivresse? Oui, quelle est-elle cette boisson divine pleine de vie qui te régénère et te purifie de toutes tes salissures ? Quel est-il ce mets substantiel, nourriture des forts, qui te rend toutes tes énergies et te fait grandir ? Est-ce toi qui les prend ou eux qui se donnent à toi, pour la vie éternelle ? Qui a institué ce sacrement ? L'as-tu inventé, ou l'as-tu reçu ? Est-ce lui qui est venu à toi, ou toi qui l'as découvert ?
 
L'ange qui te sers, lui, ne se pose pas toutes ces questions. Il sait. Imite-le ! Accueille, reçois, accepte, tout ce qui t'est donné, et que la gratitude monte de ton coeur comme un chant d'allégresse, que déborde de joie ton esprit à l'égard de ton bienfaiteur, car il s'est penché sur toi, comme ton humble serviteur, et désormais tous les âges diront ton bonheur !
 
Oui, le puissant a vraiment fait pour toi des merveilles ! Bénis son nom, ô mon âme !



 



 
Le verbe est en moi, germe d'éternité, hier, aujourd'hui et demain; qu'il grandisse et que je diminue, voilà mon histoire et mon avenir. Le verbe de Dieu est ma substance, la moelle de mes os, l'adn de mes cellules, le battement de mon coeur, le sang de mes artères, la force de mes reins, les couleurs de mon rêve, l'étincelle de mes pensées, le cri de ma prière. Maranatha ! Qu'il devienne le calcaire de mes os, le cytoplasme de mes cellules, la chair de mon coeur, la lymphe de mon corps, la tendresse de mon âme, le miracle de ma vie, l'appétit de mon amour, la gloire de Dieu vivant !
 
Que le souffle de Dieu murmure en moi, qu'il fredonne la mélodie des jours heureux, qu'il chante le cantique de la joie communicative, qu'il crie la jubilation de l'amour partagé, qu'il hurle l'extase à couper le souffle.
 
Je le confesse, père de tendresse et de bonté, j'errais loin de toi alors que toi tu étais là; je te cherchais partout où tu n'étais pas, mais toi tu étais là; j'oubliais ton visage, je me fabriquais des images à adorer, mais toi tu étais encore là; je me bâtissais un royaume à ma mesure, j'enrégimentais le monde dans ma création, et j'érigeais l'autel à ma gloire, mais toi tu étais toujours là. Et aujourd'hui, tu m'as délivré des griffes de la mort, aujourd'hui, tu m'as tiré de l'abîme du néant, aujourd'hui, toi, tu m'as engendré.



 


 
La vie commence, maintenant.
 
Vous croyiez, vous, qu'il était possible de vous sauver individuellement ?
Il est vrai que c'est le sens de l'évolution, de l'animal vers l'homme, cette individuation de l'être, cette émancipation du groupe, de la communauté, de l'espèce. Mais ce n'est pas sa destinée, au contraire. L'individuation a été donnée à l'homme pour qu'il apprenne le souci gratuit de son entourage, la solidarité librement consentie et voulue, en un mot l'amour, l'amour don, l'amour sans condition, l'amour sans limite.
 
Tant qu'il restera un seul pauvre, un seul affamé, un seul affligé, comment pourrions-nous goûter le moindre salut, la moindre félicité, le moindre bonheur ?
 
La vie commence maintenant, parce que maintenant nous savons que nous n'avons rien à perdre et tout à gagner. Nous avons connu le pire, le tohu-bohu, l'absence de sens, l'anarchie du néant, et nous sommes allés au-delà comme au travers d'un feu, et nous y avons trouvé le royaume immuable. Il nous envoit maintenant comme ses messagers, comme les meilleures flèches de son carquois, étendre son domaine, et gagner le monde. Mais ce n'est pas une offensive, que nous menons, nous ne maîtrisons pas la donne ; c'est le monde, qui décide, nous, nous ne pouvons que proposer, inventer les formes de la proposition qui sauront toucher le monde, le faire sortir de sa torpeur, de son sommeil, éveiller en lui ce qui, nous, nous a mené jusqu'ici.
 
Aussi, chaque jour nous semblera-t-il une nouvelle inconnue, une expédition hasardeuse vers un rivage incertain, des éternités parfois à scruter un horizon désespérément vide, voire une désagrégation lente et irrémissible des non-repères qu'il nous reste,
 
et c'est pas triste !
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