11 décembre 2017 1 11 /12 /décembre /2017 13:23

De notre sentiment d'exister en tant qu'être persistant dans le temps.

Si notre faculté de mémoriser ce que nous vivons ne suffit certainement pas à expliquer ce qui fait que nous soyons conscients de nous-mêmes, il n'en reste pas moins que cette faculté joue un rôle essentiel dans ce sentiment. Damasio, et d'autres, considèrent que cette conscience de soi se base sur le fait que de nombreuses intéroceptions demeurent à peu près stables en nous, comme un bruit de fond continu, et que c'est le contraste, avec cet état persistant, d'autres perceptions — externes ou internes — qui nous les fait ressentir comme étant des événements nous survenant à nous, nous qui sommes cet être qui perdure dans le temps. Peut-être cette description des choses sera-t-elle appelée à évoluer, ou à s'affiner, mais ce qui est certain c'est que, telle quelle, elle suppose la mémoire : il faut que nous nous rappelions d'instant en instant quel est cet état relativement stable de notre biologie interne pour que nous puissions, de plus, remarquer quand et comment il est modifié. Ou, pour le dire plus simplement peut-être : pour que je puisse me rendre compte que, lorsque je saisis une braise dans ma main, je me brûle, il faut au minimum que j'aie le souvenir que l'instant d'avant, et même que d'une manière générale dans le temps, les sensations de ma main ne sont pas les mêmes que celles-là que me procure cette braise...

Mais où sont stockées ces milliards de milliards d'informations que constituent toutes les sensations qui nous parviennent en permanence, sinon depuis le premier instant de notre conception, du moins très tôt déjà dans les premières semaines qui la suivent ? Peu importe, d'ailleurs, si on ne veut pas prendre en compte une période si ancienne de notre histoire personnelle : il y a bien, sans cesse, une quantité phénoménale d'impressions, extérieures et intérieures, qui s'enregistrent en nous, même inconsciemment. Ce dernier point précis est peut-être le plus surprenant et important : comment se fait-il qu'un détail, que nous n'avions pas remarqué sur le moment, puisse nous revenir plus tard à la conscience, si ce n'est parce que tout ce qui nous atteint, consciemment mais aussi inconsciemment, tout ce qui passe par nos sens, externes comme internes, que nous le sachions ou non, s'enregistre ? Ceci, alors, fait bien des quantités tellement abasourdissantes d'informations qui sont conservées, et auxquelles nous pouvons accéder ultérieurement, qu'il semble proprement impossible d'envisager qu'elles soient stockées, physiquement, dans les cellules nerveuses de notre corps. Notre cerveau, biologique, joue là plutôt le rôle d'un appareil de lecture, d'enregistrement, et de relecture, peut-être un peu comme un caméscope, mais le stockage des films, lui, les bandes magnétiques ou les cartes-mémoire, ça, ça se passe ailleurs.

Il faudrait cependant être plus précis : si un stockage physique dans les cellules nerveuses semble impossible, c'est en ne considérant que la dimension classique de la physique de notre organisme ; mais si on pouvait tenir compte de ce que la physique classique n'est pas l'ultime réalité de l'univers, de ce que cette dimension physique classique repose sur un soubassement quantique, lequel, lui, étant données les quantités d'énergie qu'il contient — ce qu'on appelle le vide quantique —, est largement capable de fournir un support au stockage de telles quantités d'information ? Bien sûr il ne s'agit là que d'une hypothèse : au niveau des interactions entre la dimension quantique et la dimension classique de la physique, nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements. Ce n'est que très récemment qu'il a été démontré qu'un phénomène biologique, juste aussi peu important pour la vie que la photosynthèse, ne peut pas s'expliquer de manière satisfaisante sans faire appel à un "coup de pouce" quantique ! De quelle manière donc, précisément, notre mémoire serait-elle enregistrée dans une dimension quantique liée à notre corps physique, si nous n'en avons certes encore aucune idée, le principe vaut cependant la peine qu'on ne le rejette pas purement et simplement, ne serait-ce que parce que cela apporte quand même une réponse possible, voire probable, à un problème autrement insoluble.

Mais quelle importance cela a-t-il si notre mémoire personnelle, base de notre sentiment d'être un individu — une entité persistante, continue, dans le temps —, est enregistrée de manière matérielle, ou de manière immatérielle ? Eh bien, cela en a une loin d'être négligeable : c'est que, dans la dimension quantique de l'univers, les choses sont nettement moins séparées les unes des autres que dans la dimension physique classique. Ainsi peuvent s'expliquer certaines propriétés du fonctionnement de notre psychisme basées sur les caractéristiques d'une telle mémoire, tel par exemple ce qu'on appelle le phénomène du transfert, pris dans son sens le plus large, et au-delà de ce cas particulier celui encore plus général du simple fait que nous soyons capables de déceler des similitudes entre plusieurs perceptions ou événements. C'est parce que les contenus de ce que nous enregistrons dans notre mémoire ne sont pas strictement isolés chacun les uns des autres, comme ils le seraient s'ils étaient enregistrés dans la matière, physique, c'est pour cette seule raison que nous pouvons comparer, voir des similitudes et des différences, analyser et synthétiser, bref, toutes les facultés essentielles qui font la fierté de ce que nous appelons notre intelligence, et, à un autre niveau, c'est aussi ce qui explique que nous éprouvions des émotions et sentiments, parfaitement arbitraires, devant toute nouvelle sensation qui nous arrive, même si cela se révélera éventuellement non justifié, ultérieurement.

Bien évidemment, si notre mémoire, support de notre conscience, réside hors de notre corps matériel — c'est-à-dire, au-delà de sa dimension physique classique, dans la dimension énergétique potentielle d'un "vide" quantique qui lui soit lié —, il va de soi que c'est a fortiori le cas aussi de la conscience elle-même. Dans le fond, une telle conception de la réalité de l'univers, n'est jamais que celle de toutes les métaphysiques traditionnelles, qui voient l'origine de tout ce qui est dans une énergie universelle, source à la fois des aspects matériels et spirituels de toute manifestation : le kha des Égyptiens, l'éther des Grecs, la ruah des Hébreux, le feu cosmique des Perses, l'akasha des Hindous, le chi des Chinois, la lumière astrale — ou cinquième élément, ou quintessence — des alchimistes... Cette source unique, cependant, ne manifeste pas immédiatement toutes ses potentialités, ni dans la dimension matérielle, ni dans la dimension spirituelle : les deux dimensions sont dépendantes l'une de l'autre. Il a fallu que son côté matériel ait suffisamment évolué, par la complexification des molécules, pour qu'ait pu apparaître, au pôle spirituel, le phénomène de la vie, et de même à partir de là, il a fallu qu'il y ait eu une complexification suffisante du système nerveux, pour qu'ait pu apparaître le phénomène de la conscience humaine.

Une autre conséquence, cependant, de ce que notre psychisme ne soit pas limité par la seule dimension matérielle de notre corps, est que les frontières entre les psychismes des uns et des autres ne sont pas strictement étanches. Bien sûr, dans notre fonctionnement ordinaire, nous ne nous en rendons pas compte, mais ponctuellement il peut nous arriver, par exemple, de ressentir des événements, avec leurs émotions, tels qu'ils sont vécus par quelqu'un d'autre que nous ; de nombreux cas de ce genre ont été rapportés au sujet de jumeaux, mais ce n'est certainement pas exclusif. Et puis on peut soupçonner qu'en-dehors de telles expériences où les choses sont relativement nettes, sans équivoques, ce que nous considérons comme notre psychisme, individuel, ne nous est peut-être pas aussi personnel que nous l'imaginons, du moins qu'il n'est pas que ça ; peut-être en viendrons-nous, un jour, à réaliser que ce qu'il y a de vraiment personnel dans notre psychisme n'est en fait qu'une couche mince, infime, en surface d'une masse gigantesque de psychisme commun, partagé. Je ne parle pas ici de ce qu'il peut y avoir d'hérité du passé, que ce soit biologiquement ou culturellement, mais bien d'un psychisme actuel, vivant, commun à toute l'humanité, voire à toute la biosphère de notre planète.

Un seul psychisme sur notre planète pour tout ce qui est sujet à des sensations, tout ce qui éprouve des sentiments, tout ce qui est capable de mettre en forme des pensées et les manipuler ; un seul psychisme avec juste, comme étant propre à chacun — ce que nous considérons comme notre moi, ou notre personnalité —, juste comme une facette d'un seul et même diamant. Mais comment pourrait-il en être autrement, en réalité ? La vie elle-même, déjà, est une dans son principe : une seule cellule est capable d'avoir donné naissance à tout le vivant qui s'est échelonné au fil des milliards d'années depuis son commencement sur la Terre, de divisions en divisions et en mutations et en associations et en évolutions ; et peu importe s'il y en a eu en fait plusieurs à l'origine. Chaque être vivant n'est qu'une facette de son espèce, et chaque espèce n'est qu'une facette de la vie, une. Ne parlons pas de l'univers, dans sa dimension matérielle, là aussi c'est déjà son nom qui dit son unicité ! Le multiple, la dualité, ne sont qu'apparence, et il n'y a vraiment que pour nous, êtres humains, que ceci peut être ressenti, vécu, comme un problème ; il n'y a que nous, être humains, qui attachons un telle importance à notre individualité, pour craindre à ce point de la perdre, que ce soit dans la mort ou dans la folie. Notre sentiment d'exister en tant qu'être persistant dans le temps...

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